Commémoration du 26ème anniversaire de l’assassinat du préfet Claude ERIGNAC

Mis à jour le 28/02/2024
Discours prononcé par M.Amaury de Saint-QUENTIN, préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud

*** Seul le prononcé fait foi ***

Monsieur le ministre,

Monsieur le député,

Monsieur le président du conseil exécutif de Corse,

Madame la présidente de l’assemblée de Corse,

Monsieur le maire d’Ajaccio,

Monsieur le procureur général,

Général,

Madame la présidente du CESEC,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les chefs de service,

Mesdames et messieurs,

Le 6 février 1998, à cet endroit précis, le préfet Claude ERIGNAC était lâchement assassiné, de sang-froid, de trois balles tirées à bout portant dans la nuque et dans la tête.

Depuis l’assassinat de Claude ERIGNAC, 12 préfets et 1 préfète lui ont succédé comme représentants de l’État en Corse, en poursuivant l’œuvre de concorde à laquelle il s’était attelé dans l’exercice de cette responsabilité exaltante qui honore chacun de ses dépositaires.

Depuis l’assassinat de Claude ERIGNAC, le dialogue entre l’État et les élus de Corse a permis d’aboutir à des évolutions majeures du cadre institutionnel de l’île mais également d’accompagner des projets structurants de grande ampleur, au service du territoire comme de chacun de ses habitants.

Depuis l’assassinat de Claude ERIGNAC, la Corse - à laquelle il était tant attaché et qu’il a servie jusqu’à son dernier jour - a continué de bâtir son avenir sans rien oublier de ses traditions.

Un quart de siècle plus tard, le souvenir vivace de l’assassinat du préfet Claude ERIGNAC reste ancré dans nos mémoires et nous rappelle, chaque jour, la nécessité de lutter contre de tels actes abjects, qui récusent leurs auteurs et en souillent la cause.

Chaque année, nous commémorons cet assassinat comme le rappel que rien ne saurait justifier que l’on sacrifiât la vie d’un homme, victime expiatoire d’un combat politique, comme d’autres le furent d’un combat religieux.

Que rien, ni personne, ne saurait faire vaciller l’État républicain, protecteur et garant des libertés individuelles.

Que la violence est un maelstrom dont nul ne saurait sortir indemne.

Il a souvent été dit à l’occasion de ces cérémonies d’hommage que « Tuer un homme, ce nest pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. » Cette phrase du XVIème siècle, qui fut commentée par Stefan SWEIG, résume à elle seule ce qui nous réunit aujourd’hui.

Car c’est bien un homme qui a été abattu le 6 février 1998.

Un mari et un père.

Et j’adresse à cet instant mes pensées respectueuses et recueillies à son épouse Dominique ainsi qu’à ses enfants Marie-Christophine et Charles-Antoine.

Un homme droit, d’une haute rigueur morale, ouvert d’esprit et accessible à tous.

Un homme de conviction, empreint du sens de l’intérêt général, dont le parcours professionnel était marqué du sceau de l’engagement et de l’exigence.

Un sportif, champion de tennis et cycliste qui avait sillonné les routes de Corse, mais également un cinéphile, et, dois-je le rappeler, un mélomane.

En résumé, un homme normal, comme nous aimerions en rencontrer chaque jour, mais au destin exceptionnel.

Exceptionnel par la chance qu’il a eu de pouvoir exprimer sa passion de l’engagement au cours d’une carrière brillante.

Exceptionnel aussi par cet assassinat tragique, le premier d’un préfet en temps de paix.

Un homme normal auquel 40 000 personnes rendirent spontanément hommage à Ajaccio quelques jours après son assassinat, ce qui demeurera comme le témoignage inextinguible de la reconnaissance de la Corse envers celui qui fut un grand serviteur de l’État.

La Corse est indissolublement liée à la République et à la France. Elle l’est par notre Histoire, par le sang des Corses versé au cours de la Grande Guerre.

Elle l’est par les affres de l’Occupation comme par son action dans la Résistance.

Elle l’est parce que la France est fière de la Corse et que les Corses sont fiers d’être Français, disait le président Jacques CHIRAC.

Une page se tourne désormais, qui n’effacera jamais l’effroi de cette soirée du 6 février 1998 au cours de laquelle Claude ERIGNAC a été abattu.

« La mort na quun instant mais la vie en a mille » écrivait le cardinal de Richelieu. Souvenons-nous de tous ces instants que Claude ERIGNAC aura dédiés au service de la France, dans la diversité et la richesse de ses territoires, au service des Français.

Si une page se tourne, c’est qu’il nous appartient d’écrire la suivante. Parce que nul ne peut vivre dans le ressentiment. Parce que Claude ERIGNAC n’aurait pas toléré que l’Histoire s’interrompît si brutalement. Parce que, lorsqu’il voulait décrire à ses jeunes collaborateurs ce qu’était un préfet, il en citait l’origine latine « praefectus », qui signifie celui qui va de l’avant, parfois face aux difficultés, et toujours en initiative.

C’est ce même esprit qui a présidé au souhait du Gouvernement d’ouvrir un nouveau cycle de discussion sur l’avenir de l’île.

Un cycle de discussion qui doit nous permettre, de manière aussi apaisée que constructive, d’esquisser ce que sera la Corse de demain, certes au plan institutionnel, mais également aux plans économique, environnemental, éducatif et social.

Car les défis sont nombreux et nous ne pourrons les relever que main dans la main, sans faux-semblants, dans la confiance, l’écoute et le respect mutuels.

Je conclurai par cette phrase du prix Nobel de littérature André GIDE, dans son Thésée : « Obscurité, tu seras dorénavant pour moi la lumière. »

Si l’assassinat de Claude ERIGNAC nous a plongés dans un abîme d’obscurité, il a mis en lumière l’homme qu’il fut et l’exemple qu’il demeure pour chacun de nous.

Mesdames et Messieurs, comme à chaque fois qu’il a été attaqué, y compris récemment, notre pays n’a cessé de se tenir debout. Claude ERIGNAC, comme Jean MOULIN, le savait et c’est vraisemblablement le message qu’il aurait souhaité nous léguer. Il nous appartient désormais de le faire vivre, pour que son sang n’ait pas coulé en vain.

Vive la Corse,

Vive la République,

Vive la France.